Le
projet des faucons libéraux
par Thierry Meyssan
Les partisans d’Hillary Clinton ont
lancé une campagne en faveur d’une entrée en guerre ouverte des États-Unis
contre la Syrie. L’administration Obama leur a répondu par un silence poli.
Quoi qu’il en soit, cet épisode permet de mieux comprendre la position du parti
de la guerre.
RÉSEAU VOLTAIRE | DAMAS (SYRIE) |
22 JUIN 2016
Le vice-président Biden était l’invité
de la conférence annuelle du CNAS. Il s’est contenté de faire des bons mots.
Les « faucons libéraux »,
c’est-à-dire les démocrates favorables à des interventions militaires tous azimuts
afin d’affirmer la suprématie des États-Unis sur le reste du monde, ont lancé
une vaste opération au sein de l’administration Obama. Ils espèrent profiter de
la campagne électorale en cours pour contraindre le prochain président à
renverser la République arabe syrienne.
Le premier acte de cette campagne aura
été la signature d’un câble diplomatique par 51 diplomates, transmis à John
Kerry via une procédure légale de contestation de sa politique au sein du
département d’État. Malheureusement, on ignore le nom des signataires et
les postes qu’ils occupent de sorte qu’on ne peut pour le moment mesurer leur
influence. L’affaire a été rendue publique le 17 juin par le Wall
Street Journal, organe traditionnel des va-t-en-guerre républicains, et le New
York Times [1].
Le
second acte fut la publication, le 20 juin, d’un rapport du Center for
a New American Security (CNAS) (Centre pour une nouvelle sécurité
américaine) [2] sur la lutte
contre Daesh. Il a été remis lors de la conférence annuelle de ce think tank au
secrétaire à la Défense, Ashton Carter, et au vice-président, Joe Biden.
Ce
document [téléchargeable au bas de cette page], intituléDefeating the
Islamic State, A Bottom-Up Approach (Vaincre l’État islamique, une
approche de bas en haut), assure que la lutte contre l’organisation islamique
sera très longue. Il ne sera possible de triompher qu’en s’appuyant sur des
populations sunnites, ce qui écarte l’actuelle stratégie basée sur les Kurdes
et surtout implique, selon les auteurs, le renversement préalable du président
alaouite syrien. On en revient donc à la case départ : l’urgence serait le
changement de régime à Damas.
Cependant, ce document clarifie la
position des faucons libéraux —et précisément celle du général David Petraeus,
mentor du CNAS et membre du groupe de travail—. Ils ne cherchent plus à
justifier la destruction de la République arabe syrienne en imputant des crimes
au régime. Au contraire, ils admettent que Damas est soutenu par une large
partie de la population. Mais ils posent comme préalable que certains sunnites
ne peuvent accepter ni un régime laïque, ni un président alaouite ; une
position idéologique qui est celle des monarchies wahhabites d’Arabie saoudite,
du Qatar et de l’émirat de Sharjah, et qui est également soutenue non pas par
la Turquie mais par son président lui-même issu de la Millî Görüş.
Les faucons libéraux cherchent-ils
uniquement à préserver « leur » outil, Daesh ? Quoi qu’il en
soit, leur tactique est impossible à mettre en œuvre car elle ignore la
présence de la Russie. Elle entend installer un « état de guerre
permanent » au Levant, sous contrôle états-unien. La guerre se poursuit depuis
la chute des Talibans en Afghanistan, depuis celle de Saddam Hussein en Irak,
et depuis celle de Mouamar Kadhafi en Libye. Le
renversement des régimes n’est pas un but, mais un moyen pour instaurer le
chaos. Cette stratégie,
qui surprend de la part d’un grand État, correspond à celle de l’armée
israélienne face aux Palestiniens depuis 1967 [3].
Ni le secrétaire à la Défense, ni le
vice-président n’ont réagi au rapport. Le premier a délivré un discours sur le
maintien de la suprématie militaire US dans le monde, le second a lancé des
piques contre Donald Trump. L’administration Obama restant insensible, le CNAS
espère l’élection d’Hillary Clinton.
Source
Al-Watan (Syrie)Documents joints
[1] “American Diplomats Protest U.S.
Syria Policy”, Maria Abi-Habib, The Wall Street Journal.
“51 U.S. Diplomats in Dissent Urge
Strikes on Assad. A Break with Obama. Violence ‘Overwhelmed’ Hands-Off Policy,
Memo Says”, Mark Landler,The New York Times, June 17th,
2016.
[2]
« Le CNAS, version
démocrate de l’impérialisme conquérant », par Thierry Meyssan, Réseau
Voltaire, 6 janvier 2015.
[3]
« Faire la paix avec
les États, faire la guerre contre les peuples », par Youssef Aschkar, Réseau
Voltaire, 19 juin 2003
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