JOURNAL DU CHANGEMENT D’ORDRE MONDIAL #9
Faut-il juger Vladimir Poutine ?
Considérant Vladimir Poutine comme le responsable du relèvement de la Russie, les néo-conservateurs états-uniens et israéliens tentent depuis 2011 de l’arrêter, de le juger et de le condamner devant une juridiction internationale.
Fidèle serviteur de leur stratégie, le président français François Hollande a publiquement suggéré de le rendre responsable des crimes des jihadistes en Syrie.
RÉSEAU VOLTAIRE | DAMAS (SYRIE)
- François Hollande et Vladimir Poutine, il y a un an.
Durant la Seconde Guerre mondiale, le chef de l’État français qui avait aboli la République, Philippe Pétain, fit juger et condamner à mort son ancien dauphin devenu le chef de la France libre, Charles De Gaulle.
Sur ce modèle, l’actuel président de la République française, François Hollande, a évoqué la possibilité d’ouvrir une procédure judiciaire internationale pour les crimes de guerre commis en Syrie et de juger non seulement le président le président de la République arabe syrienne, Bachar el-Assad, mais aussi celui de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine [1] ; des propos repris en demi-teinte par le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon.
Ces déclarations interviennent alors que le Canada, les États-Unis, la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni soutiennent les jihadistes d’Alep-Est contre le Hezbollah, l’Iran, la Russie et le Syrie [2].
La volonté de condamner M. Poutine n’est pas nouvelle (successivement pour la Seconde Guerre de Tchétchénie, pour l’Ukraine et désormais pour la Syrie). C’est une idée récurrente des néo-conservateurs états-uniens et israéliens. Durant la campagne électorale présidentielle russe de 2012, les États-Unis avaient même proposé au président Medvedev de l’aider à se présenter contre Vladimir Poutine, de financer sa campagne électorale et de lui donner un plein accès aux cercles des dirigeants de la planète s’il prenait l’engagement de leur livrer Vladimir Poutine. Ce qu’il ne fit évidemment pas.
Le 29 juillet 2015, les néo-conservateurs poussèrent au Conseil de sécurité un texte de Victoria Nuland (l’épouse du leader républicain Robert Kagan, devenue porte-parole de la secrétaire d’État démocrate Hillary Clinton, et aujourd’hui assistante du secrétaire d’État pour l’Europe et l’Eurasie) [3]. Il proposait de créer un Tribunal international spécial pour juger les auteurs de la catastrophe du vol MH17 qui fut abattu en Ukraine, faisant 298 morts. Le texte renvoyait à une Commission d’enquête internationale, dont la Russie était officiellement membre, mais dont les autres membres l’avaient exclu. Il était donc possible de rendre la Russie responsable, de juger et de condamner Vladimir Poutine.
La Russie fit non seulement valoir l’absurdité de créer un Tribunal international pour un fait divers, mais aussi le caractère spécieux de la procédure, et opposa son veto. La presse occidentale minimisa l’événement.
Washington tient, à juste titre, Vladimir Poutine pour être l’architecte de la reconstruction de la Russie après la dissolution de l’URSS et le pillage de Boris Eltsine (dont la cabinet avait été formé par la NED). Il imagine, à tort cette fois, qu’éliminé du jeu, il serait possible de rabaisser la Russie au rang qu’elle occupait il y a 20 ans.
Le président Hollande a informé son homologue russe qu’il ne l’accompagnerait pas lors de l’inauguration de la nouvelle cathédrale orthodoxe de Paris, prévue le 19 octobre, mais se contenterait de le recevoir à l’Élysée. L’entretien ne pourrait alors porter que sur la situation en Syrie.
Le président Poutine a reporté son déplacement en France à une date indéterminée. Son porte-parole a déclaré qu’il serait prêt à se rendre à Paris lorsque son homologue français se sentirait à l’aise. Une réaction qui évoque celle que l’on a avec un enfant capricieux.
L’actuel contentieux entre M. Hollande et la Fédération de Russie porte à la fois sur la question ukrainienne (refus du coup d’État nazi de Kiev, rattachement de la Crimée, et soutien à la République du Donbass) et sur la question syrienne (refus de la tentative de coup d’État des jihadistes et soutien à la République arabe syrienne). Il est peu probable qu’il trouve une issue d’ici la fin du quinquennat de M. Hollande ou avec son successeur s’il s’agit de M. Juppé comme le suggèrent les sondages. Ces deux hommes en effet ont scellé, dans le sang des Syriens, leur avenir personnel avec Washington.
Officiellement favorable à la démarche française, le ministre britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson, a appelé ses concitoyens à manifester devant l’ambassade russe à Londres ; une sorte de soutien qui semble préfigurer un retrait du Royaume-Uni.
[1] « François Hollande à propos de Vladimir Poutine », par François Hollande,Réseau Voltaire, 10 octobre 2016.
[2] « Qui vit et se bat à Alep-Est ? », Réseau Voltaire, 12 octobre 2016.
[3] « Débat du Conseil de sécurité sur le vol MH17 (véto russe) », Réseau Voltaire, 29 juillet 2015.
Qui vit et se bat à Alep-Est ?
Alors que les États occidentaux et le secrétaire général de l’Onu évoquent 250 à 300 000 habitants à Alep-Est, les autorités syriennes parlent de 25 à 30 000 personnes. Qui dit vrai ?
Alors que les États occidentaux et le secrétaire général de l’Onu assurent que les combattants sur place sont de nationalité syrienne et sont des modérés se battant pour la démocratie, les caméras de Russia Today ont montré la présence de drapeaux d’Al-Qaïda et de Daesh dans la zone.
Surtout, personne ne conteste que le chef actuel des combattants d’Alep-Est n’est pas syrien, c’est le cheikh Abdullah al-Muhaysini (photo), le suprême juge du Tribunal de la Charia de l’Armée de la conquête (Jaish al Fatah). Cette dernière est une coalition comprenant officiellement les membres d’Al-Qaïda. Elle est composée de jihadistes étrangers, principalement saoudiens, koweïtiens, tunisiens, russes et chinois, et de quelques collaborateurs syriens.
Dans ses discours, le cheikh saoudien Abdullah al-Muhaysini désigne l’ennemi : selon lui ce sont tous les chiites qu’ils soient duodécimans ou pas (c’est-à-dire non seulement les chiites iraniens et le Hezbollah libanais, mais aussi les alaouites et les druzes). En de nombreuses occasions, il a appelé à les massacrer tous, femmes et enfants compris.
Le 18 septembre 2016, en pleine « cessation des hostilités » et alors que 200 civils venaient de s’évader d’Alep-Est avec l’aide des forces russes, le Tribunal de la Charia de l’Armée de la conquête a annoncé que tout habitant d’Alep-Est — sans distinction d’âge ou de sexe — qui tenterait de rejoindre le territoire se trouvant aux mains des troupes gouvernementales serait abattu. Une quarantaine de personnes ont effectivement été assassiné par des snipers en tentant de fuir.
C’est ce que le président français, François Hollande, appelle un « leader syrien modéré ».
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