- Publié le 28/01/2015 à 06:38 - Modifié le 28/01/2015
à 21:33
Un
gouvernement Tsipras prêt à "verser son sang" pour les Grecs, a
multiplié mercredi les annonces tirées du programme de Syriza, et contraires
aux préconisations de la troïka, avec pour première conséquence une chute
massive des banques à la Bourse.
L'indice
général de la Bourse d'Athènes a ainsi perdu 9,24% mercredi, et les banques un
quart de leur valeur (-26,67%), tandis que l'obligation grecque à 10 ans est
repassée au-dessus de 10%.
M.
Tsipras, comme son ministre des Finances, Yanis Varoufakis, ont soufflé le
chaud et le froid, le premier en installant le conseil des ministres pour la
première fois, le second lors de sa passation de pouvoir avec son prédécesseur
conservateur, Guikas Hardouvelis.
Toujours
sans cravate, comme la majorité des ministres de ce gouvernement issu de la
gauche radicale, mais grave, M. Tsipras a déclaré en ouvrant le premier conseil
des ministres qu'il s'estimait à la tête d'un gouvernement "de salut
national", prêt à "verser son sang" pour restaurer "la
dignité des Grecs".
Cette
perte de "dignité" a régulièrement été imputée par Syriza aux
contraintes imposées à la Grèce depuis
l'entrée en vigueur des programmes d'aide, en 2010, et dont le nouveau
gouvernement prétend s'affranchir, tout comme il exige une renégociation de la
dette du pays.
-
Pas de rupture désastreuse -
M.
Tsipras a d'emblée évoqué parmi "les priorités", une "nouvelle
renégociation avec nos partenaires pour trouver une solution juste, viable et
mutuellement utile". Il a assuré vouloir à la fois éviter "une
rupture désastreuse réciproque" avec les partenaires de la Grèce et mettre
fin à "la politique de soumission" du pays.
M.
Varoufakis pour sa part a réaffirmé que son pays allait "tourner la page
de la politique d'austérité", mais "ne voulait pas de duels"
entre la Grèce et l'Europe :
au contraire, "une nouvelle relation de confiance et de sincérité".
Mais
toute la journée, au fur et à mesure des discours de passation de pouvoir, les
ministres ont multiplié des annonces qui n'étaient pas faites pour rendre l'UE
très confiante, faisant état chacun son tour de l'intention de mettre en oeuvre
un catalogue de mesures préconisées par Syriza.
La
première a été l'arrêt de la privatisation prévue du port du Pirée et de celui
de Thessalonique, ou de la compagnie d'électricité DEI. Mais ont suivi dans la
journée la hausse du salaire minimum, la réintégration de plusieurs milliers de
fonctionnaires, le relèvement des pensions des retraités les plus pauvres...
Symboliquement,
le gouvernement a aussi annoncé la réintégration des femmes de ménage de
l'administration des Finances du pays, mises en disponibilité il y a un an et
demi et qui depuis avaient installé un campement devant le ministère à Athènes,
devenant la mascotte des "anti-austérité".
Autant
d'annonces de nature à écoeurer les experts de la troïka (BCE, UE, FMI), au moment où l'UE doit
justement verser fin février à la Grèce les 7 derniers milliards de son plan
d'aide, mais à la condition expresse que les réformes en cours aient abouti et
que la Grèce observe un régime budgétaire strict.
Or ni M. Tsipras ni son ministre des Finances n'ont
paru mercredi accorder la moindre importance à l'échéance de février.
En conséquence, les marchés ont perdu pied:
l'obligation à dix ans de la Grèce est repassée au-dessus de 10% et les banques
se sont effondrées, la Banque nationale de Grèce cédant 25,45%, la Banque du
Pirée 29,26%, Eurobank 25,93% et Alpha 26,76%.
- Incompatibles -
Elles sont déjà fragilisées par des retraits, opérés
ces dernières semaines à hauteur de 11 milliards d'euros en janvier après 3
milliards d'euros en décembre - selon des données révélées par l'agence
Bloomberg News - par des épargnants inquiets de l'arrivée de Syriza et ont dû
faire un recours de précaution la semaine dernière au programme de liquidités
d'urgence (ELA) prévu par la BCE.
Les investisseurs ont sans doute été effrayés aussi de
la mise en garde sans nuance formulée la veille par Joachim Nagel, membre de la
Banque centrale allemande: il a averti, en cas d'arrêt du programme d'aide de
l'UE, de possibles "conséquences fatales pour le système financier grec".
L'agence
de notation Standard's and Poor's a menacé en début de soirée d'abaisser de
stable à négative la note "B" de la Grèce: "certaines des
politiques économiques et budgétaires promues par le nouveau gouvernement
récemment élu en Grèce, mené par le parti de gauche Syriza, sont incompatibles
avec le cadre politique négocié entre le précédent gouvernement et les
créanciers officiels" du pays, a justifié l'agence dans un communiqué.
Analyste
chez IHS, Blanka Kolenikova jugeait la tâche du gouvernement Tsipras "potentiellement
aggravée par le manque d'expérience des nouveaux ministres".
Au
lendemain de cette journée inaugurale troublée, Martin Schulz, président du
Parlement européen, sera le premier responsable étranger à se rendre à Athènes,
jeudi.
Mais
toute l'attention se porte désormais sur la visite que fera vendredi Jeroen
Dijsselbloem, président de l'Eurogroupe (ministre des Finances de la zone
euro). Alexis Tsipras a prédit mercredi des discussions "cruciales et
productives". Il devait réunir mercredi soir tout son état-major chargé
des Finances pour préparer la rencontre.
28/01/2015
21:32:02 - Athènes (AFP) - Par Odile DUPERRY - © 2015 AFP
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