Parution le 5 février 2014 à 10 h10
sur yahoo. (AP – Associated Press)
Par Nicole Winfield
Kirsten Sandberg, au centre, présidente
du comité des droits de l’homme des Nations Unies en discussion avec les membres
du comité, Maria Herczog, à droite, et Benyam Mezmur durant la conférence de
presse au siège des Nations Unies à Genève, en Suisse, mercredi, 5 février 2014.
(Illustration de la photo)
LA CITE DU VATICAN – (AP)
Le Vatican a «systématiquement »
adopté des politiques permettant à des prêtres de violer et d’agresser sexuellement
des dizaines de milliers d’enfants pendant des décennies, selon une
communication faite mercredi par le comité des droits de l’homme des Nations
Unies qui presse le Saint Siège d’ouvrir ses dossiers sur les prêtres pédophiles
et les évêques qui ont dissimulé leurs crimes.
Dans un rapport accablant salué par
les victimes d’abus sexuels, le comité des Nations Unies a sévèrement critiqué
le Saint Siège pour ses attitudes envers l’homosexualité, la contraception et
l’avortement et dit qu’il devrait modifier son propre droit canon pour assurer
que les droits des enfants et leur accès aux soins de santé soient garantis.
Le Vatican a immédiatement fait
objection et son ambassadeur à l’ONU a accusé le comité d’avoir trahi les
propres objectifs de l’organisation internationale en se soumettant à
l’influence d’idéologues pro-homosexuels. Il dit qu’apparemment le comité n’avait
tout simplement pas écouté lorsque le Saint Siège avait présenté toutes les
mesures qui avaient été prises pour protéger les enfants.
Le rapport, qui a surpris le Vatican
par son ton brutal, met à nouveau la pression sur le Pape François pour qu’il
évolue sur le dossier des abus et tienne les engagements de créer une
commission du Vatican pour étudier l’abus sexuel et recommander les meilleures
pratiques pour le combattre. La commission a été annoncée en Décembre, mais peu
de détails ont été communiqués depuis.
Le comité a remis ses
recommandations après avoir soumis le Saint Siège à un interrogatoire d’une
journée entière le mois dernier, sur sa
mise en œuvre de la Convention des Droits de l’Enfant des Nations Unies, le
traité majeur des Nations Unies sur la protection de l’enfance, que le Saint
Siège a ratifiée en 1990.
D’une manière critique, le comité a
rejeté le vieil argument du Vatican qu’il ne contrôle pas ses évêques ou
ses prêtres violeurs, en disant que le Saint Siège était responsable de
l’exécution du traité non seulement dans la Cité-Etat du Vatican mais
partout dans le monde « en tant que pouvoir suprême de
l’Eglise catholique par l’intermédiaire d’individus et d’institutions placés sous
son autorité ».
Dans son rapport, le comité a stigmatisé
« la loi du silence » qui a longtemps été utilisée pour contraindre les
victimes au silence, en indiquant que le Saint Siège avait systématiquement placé
la réputation de l’église et des agresseurs présumés au- dessus de la
protection des enfants victimes. Il a appelé le Saint Siège à indemniser toutes les victimes et de tenir pour
responsables non seulement les violeurs, mais aussi ceux qui ont couvert leurs
crimes.
« Le comité est gravement
préoccupé par le fait que le Saint Siège n’ait
pas reconnu l’étendue des crimes
commis, qu’il n’ait pas pris les mesures nécessaires pour s’occuper
des cas d’abus sexuels sur les enfants
afin de les protéger, et ait adopté des politiques et des pratiques qui
ont mené à la continuation des abus sexuels par, et à l’impunité des, auteurs »,
dit le rapport.
Il appelle François, via la
commission en création, à mener une enquête indépendante
sur tous les cas d’abus sexuels par les prêtres et sur la façon dont la
hiérarchie catholique y a répondu dans le passé, et presse le Saint Siège
d’établir des règles claires sur l’obligation de transmission des rapports sur
les abus à la police et de soutenir les lois qui permettent aux victimes de rapporter
des crimes, même après que les délais de prescriptions aient expiré.
Aucun évêque catholique n’a jamais
été sanctionné par le Vatican pour avoir protégé un prêtre ayant commis des
abus, et ce n’est qu’en 2010 que le Saint Siège a imposé aux évêques de
dénoncer les auteurs à la police lorsque l’application de la loi l’exigeait.
Les officiels du Vatican ont reconnu que cette responsabilité épiscopale demeure
un problème majeur tout en indiquant que
sous François, les choses devraient changer.
Les recommandations du comité ne
sont pas contraignantes et il n’y a pas de mécanisme d’exécution. Au lieu de
cela, l’ONU a demandé au Vatican d’appliquer les nouvelles recommandations et
de préparer un rapport pour 2017. Le Vatican est déjà en retard de
quatorze ans pour la remise du rapport le plus récent.
Ce comité est composé
d'experts indépendants, et non d’autres Etats membres de l'ONU – ce qui est le
cas du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies, plus important et souvent
plus politique, qui siège également à Genève. Le Comité des Droits de l’Enfant est
l’un des 10 organismes de l’ONU qui surveille l‘application des traités des Droits
de l’Homme aux Nations Unies, et ses 18 membres comprennent des universitaires,
des sociologues et des spécialistes du développement de l’enfant, venant du
monde entier.
L’archevêque Silvano Tomasi, qui
dirigeait la délégation du Vatican à la session du 16 janvier à Genève, a été
clairement décontenancé par le ton acerbe du rapport.
« Il semble que le document ait
été préparé avant la réunion du comité, au cours de laquelle le Vatican a
donné des réponses détaillées sur différents points qui ne sont pas abordés
dans le document final ou ne semblent pas avoir été pris en considération, »
a-t-il dit à Radio Vatican.
Tandis que l’essentiel de l’attention
s’est concentrée sur les abus sexuels sur l’enfant, les recommandations du
comité se sont étendues bien au-delà, sur des questions concernant la
discrimination contre les enfants et leurs droits à des soins de santé
adéquats, sujets qui touchent au cœur des enseignements de l’église concernant
la morale de la vie et de la sexualité.
Le comité par exemple, a sommé le
Vatican d’amender son droit canon pour identifier les conditions d‘accès à
l’avortement, afin qu’il puisse être autorisé aux enfants, comme le fait de
sauver la vie d’une jeune mère. Il a pressé le Saint Siège de s’assurer que
l’éducation sexuelle, y compris l’accès à l‘information au sujet de la
contraception et de la prévention du VIH, soit obligatoire dans les écoles
catholiques. Il a appelé le Saint Siège à user de son autorité morale pour
condamner la discrimination contre les enfants d’homosexuels, ou les enfants
élevés par des couples de même sexe.
L’église enseigne que la vie
commence à la conception. Le Vatican, qui s’oppose de ce fait à l’avortement et
à la contraception artificielle, appelle au respect des homosexuels, mais
considère les actes homosexuels comme « étant intrinsèquement pathologiques ».
Le Vatican a tout un historique de confrontations diplomatiques avec les Nations
Unies sur de tels sujets.
Tomasi a dit que l’appel à
reconsidérer l’avortement allait à l’encontre des objectifs mêmes du
traité des Nations Unies de protection de la vie de l’enfant avant et après la naissance, et il a accusé
les groupes de soutien aux droits des pro-homosexuels et du mariage homosexuel
d’avoir « appuyé une ligne idéologique » du comité.
Benyam Mezmur, un membre du comité
et universitaire éthiopien sur les droits légaux des enfants, a rejeté de
telles accusations et a dit que le rapport du comité était équilibré et
qu’il avait simplement pour objectif de s’assurer de l’application du traité.
« Le Comité des Droits de
l’Enfant n’est pas sur la ligne de dire « Bien dit » ! Mais sur
la ligne de dire « Bien fait » ! Nous voulons des mesures
concrètes, a-t-il déclaré dans une interview téléphonique depuis Genève.
Austen Ivereigh, coordinateur de
Voix Catholiques, un groupe de défense de l’église » a dit du rapport que
c’était « un étalage choquant d’ignorance et d’autoritarisme ».
Il a dit qu’il avait manqué de
reconnaître les progrès qui avaient été faits ces dernières années et que
l’Eglise catholique est en maints endroits considérée à présent comme un leader
dans la sauvegarde des enfants. Et il a noté que le comité semblait incapable
de saisir la distinction entre les responsabilités et la juridiction du Saint Siège,
et celles des églises locales sur le terrain.
« Il ne tient aucun compte des
particularités du Saint Siege, le traitant comme s’il était le siège social d’une
entreprise multinationale » a-t-il dit dans un courriel.
Mais les groupes de victimes ont salué
le rapport comme un rappel à destination des fonctionnaires de police laïcs
pour enquêter sur les abus et toute dissimulation, et à poursuivre en
justice la hiérarchie ecclésiastique qui continue de protéger les prêtres
prédateurs.
« Ce rapport redonne de
l‘espoir à des centaines de milliers de victimes profondément blessées et
souffrant toujours d’abus sexuels par le clergé dans le monde » a déclaré
Barbara Blaine, présidente du principal groupe de victimes américaines SNAP.
C’est maintenant aux fonctionnaires laïcs de suivre les directives des Nations
Unies et d’intervenir pour protéger les personnes vulnérables parce que les
fonctionnaires catholiques sont soit incapables soit réticents à le
faire. »
Suivre Nicole Winfield at. www.twitter.com/nwinfield
Traduit en français par Isabelle & Patrick
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