Grèce : le procès des néonazis d'Aube dorée suspendu
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Le procès historique de plusieurs dizaines de membres et sympathisants du parti néonazi Aube dorée, jugés pour appartenance à une « organisation criminelle » a été suspendu quelques heures après son ouverture lundi 20 avril. L'audience, qui a été ajournée car l'un des 69 accusés n'avait pas d'avocat, doit reprendre le 7 mai. La justice devra évaluer si Aube dorée répond aux critères d'une formation « criminelle », un verdict qui menace directement l'existence de ce parti, troisième force politique du pays.
Près de 70 personnes sur le banc des accusés
Soixante-neuf prévenus – membres, sympathisants ou représentants d'Aube dorée – sont renvoyés devant le tribunal. Parmi eux, les 18 députés néonazis élus aux législatives de juin 2012 (dont 13 sont toujours parlementaires aujourd'hui), dont le chef du parti, Nikolaos Michaloliakos, l'ancien porte-parole Elias Kassidiaris ou encore le parlementaire Christos Pappas. La plupart de ces députés avaient été interpellés lors d'un vaste coup de filet, en septembre 2013. Neuf d'entre eux ont été placés en détention provisoire, d'une durée légale de dix-huit mois en Grèce.
Ces responsables seront jugés pour « constitution et appartenance à une organisation criminelle ». A leurs côtés des membres ou sympathisants du parti seront eux jugés pour « appartenance à une organisation criminelle ». Sur son site internet, Aube dorée qualifie ce procès de « vaste complot politique et judiciaire ».
Violences et meurtre
L'offensive judiciaire a été lancée par le ministère public après l'assassinat, le 18 septembre 2013, du rappeur antifasciste Pavlos Fyssas, par un membre d'Aube dorée. L'investigation, qui a duré près de quinze mois, a été supervisée par le procureur Isidoros Dogiakos. Ce dernier a remis à la justice un rapport de 698 pages en octobre. Création de milices d'assaut, entraînements paramilitaires, détention illégale d'armes... L'enquête a mis au jour les zones d'ombres du parti. De nombreuses pièces à convictions, conversations enregistrées et images sont venues étayer cette vaste enquête.
Des accusés devront ainsi répondre sur plusieurs dossiers venus alimenter la procédure, entre autres des tentatives de meurtre contre des pêcheurs égyptiens en juin 2012, des violences contre des membres du syndicat communiste PAME en septembre 2013, et le meurtre du rappeur Pavlos Fyssas en septembre 2013.
Côté partie civile, plus d'une centaine de témoins seront appelés à la barre pour témoigner des violences et agressions reprochées à Aube dorée.
Crépuscule du parti ?
Vantant une « Grèce aux Grecs », Aube dorée a prospéré dans le sillage de la crise économique et surfé sur un discours anti-immigration. Peu connu avant son entrée au Parlement, aux législatives de juin 2012, le mouvement est resté stable aux dernières élections de janvier, conservant 17 députés, confortant ainsi sa place de troisième force politique incontournable.
« Il y a un grand intérêt de la population pour ce procès car pour la première fois un parti politique agit comme une organisation criminelle. Et dans le même temps, on prend conscience que c'est un vrai scandale qu'une organisation nazie ait pris la forme d'un parti politique “normal” en Grèce », explique Dimitris Psarras,journaliste et auteur de l'ouvrage Aube dorée : le livre noir du parti nazi grec.
Au terme de ce procès, la justice décidera si oui ou non le parti peut être qualifié d'« organisation criminelle », ce qui pourra entraîner une interdiction du parti. Certains accusés risquent par ailleurs jusqu'à vingt ans de prison.
Voir aussi (édition abonnés) : La Grèce sous le choc de la violence d'Aube dorée
Dimitris Psarras est confiant : « La justice a rassemblé mille preuves irréfutables pour les activités criminelles de l'organisation et la culpabilité des responsables. »Toutefois, il ajoute :
« Si le procès se termine en fiasco, l'organisation en sortira certainement plus forte. Dans le cas – peu probable – que la direction de l'organisation soit acquittée, les bataillons d'assaut nazi devraient également se regrouper. Ce serait une tragédie pour la société grecque. »
- Elisa PerrigueurJournaliste au Monde
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