par Bachar el-Assad
RÉSEAU VOLTAIRE | DAMAS
(SYRIE) | 12 FÉVRIER 2016
Journaliste : Monsieur
le président quels sentiments vous inspire la vue de dizaine de milliers de vos
compatriotes affamés sur les routes qui tentent de rejoindre la Turquie pour
échapper aux bombardements de vos alliés russes sur Alep, et aussi la vue
d’enfants syriens qui sont noyés en tentant de traverser la mer pour rejoindre
l’Europe ?
Bachar el-Assad :
Si vous voulez qu’on parle des sentiments, j’appartiens bien à ce peuple. Il
est donc évident que j’éprouve les mêmes sentiments que lui. Tout spectacle
douloureux nous fait tous ressentir de la peine en tant que Syriens. Mais en
tant que responsable, la question devrait être non pas quel est votre
sentiment, mais qu’est-ce que vous allez faire devant une telle situation.
Lorsque la cause n’est pas
véritablement les bombardements russes, comme le prétendent aujourd’hui les
médias occidentaux, mais plutôt les terroristes ; lorsque l’embargo imposé
par l’Occident depuis déjà cinq ans est l’une des causes de la migration, il
est normal que ma première mission, comme celle de tout responsable dans ce
pays, dans cet État, soit d’abord de lutter contre le terrorisme,
essentiellement par des moyens syriens, tout en demandant le soutien de nos
amis pour combattre ce terrorisme. Le problème des réfugiés qui se trouvent à
l’étranger, de même que celui de la famine comme vous dites, sont deux
problèmes auxquels ont contribué les terroristes et l’embargo imposé au peuple
syrien.
Journaliste : Justement nous parlons d’actes pour
alléger cette souffrance, est-ce que vous pourriez envisager de cesser les
bombardements sur la population civile et surtout le siège des villes, comme le
demande d’ailleurs l’opposition, comme condition pour retourner à Genève.
Bachar el-Assad :
Depuis le début de la crise, le conflit portait sur qui pourrait gagner la base
populaire en Syrie. Théoriquement parlant, il nous est impossible de bombarder
les civils et de vouloir en même temps les gagner à nos côtés. Quant à la
pratique, vous pouvez vous-même effectuer des tournées en Syrie, dans les
régions contrôlées par l’État. Vous trouverez alors que toutes les composantes
de la société syrienne, y compris les familles des hommes armés, vivent sous la
protection de l’État. En plus, pour ce qui est de la ville de Rakka qui est
totalement sous la domination de Daech, nous payons toujours les salaires des
fonctionnaires et envoyons les vaccins aux enfants qui s’y trouvent. Il est
donc illogique que l’État bombarde les civils en offrant tous ces
services ; à moins qu’il y ait des erreurs, qui peuvent d’ailleurs se
produire dans n’importe quel combat. La règle générale c’est qu’il y a dans
toute guerre des victimes innocentes, mais ce n’est certainement pas la
politique de l’État syrien.
Journaliste : Que
dites-vous des gens s’en vont pour l’Europe, vous leur dites revenez, qu’est-ce
que vos leur dites ?
Bachar el-Assad : Bien sûr. J’espère certainement que
toute personne ayant quitté la Syrie y retourne. C’est normal, mais cela ne
suffit pas. Les sentiments ne suffisent pas. Ces gens-là vont me
demander qu’est-ce qui nous pousse à revenir ? Est-ce que le terrorisme a
cessé ? Est-ce que les premières nécessités de la vie sont désormais
disponibles ? Beaucoup de ceux qui ont émigré ne sont pas contre l’État,
ni pro-terroristes. Mais il y a parfois des circonstances qui vous obligent à
émigrer. Aussi ma réponse à cette question sera-t-elle la suivante : lorsqu’il
y aura un recul du terrorisme et que les choses s’amélioreront, ils
retourneront de leur propre gré sans invitation. Plutôt donc que d’inviter ce
citoyen à revenir, je vais appeler les gouvernements européens qui ont
contribué directement à cet exode en assurant d’abord une couverture aux
terroristes, et en imposant l’embargo à la Syrie, à aider au retour des Syriens
chez eux.
Journaliste : Est-ce
que la reprise d’Alep est une question de jours, et après quelles sont les
prochaines étapes : la reprise totale de Lattaquié, d’Alep, d’Idleb ?
Bachar el-Assad :
Actuellement, le combat à Alep n’a pas pour but de récupérer la ville, car nous
y sommes déjà. La bataille principale vise plutôt à couper la route entre Alep
et la Turquie qui constitue la voie principale de ravitaillement des
terroristes. Nous menons actuellement des combats sur plus de dix fronts, du
Nord au Sud, à l’Est et au Nord-Est, de même qu’à Lattaquié à l’Ouest. Il y avait également des combats à Homs, lesquels ont
maintenant pris fin. Toutes les étapes vont donc en parallèle.
Journaliste : Pensez-vous être capable de reprendre
tout le territoire syrien et dans quel délai ?
Bachar el-Assad : Que nous soyons capables de le faire ou non,
c’est vers ce but que nous œuvrerons sans hésitation. Il n’est
pas logique de dire qu’il y a une partie de notre territoire à laquelle nous
renoncerons. Quant au délai, cela dépend de deux cas : à supposer d’abord
que le problème est uniquement syrien, c’est-à-dire que la Syrie est isolée de
son entourage, dans ce cas-là, nous pouvons régler le problème sur deux
axes : le combat contre le terrorisme, et l’action politique. Dans le
deuxième cas, le cas actuel où il y a ravitaillement permanent des terroristes
à travers la Turquie, la Jordanie, et parfois encore à travers l’Irak bien sûr,
puisque Daech s’y trouve avec le soutien saoudien, turc, et qatari, il est
évident que les délais de la solution seront longs et les prix lourds. Il est
donc difficile de donner une réponse précise quant aux délais.
Journaliste : Vous
ne pouvez pas dire dans combien d’années la paix reviendra en Syrie ?
Bachar el-Assad :
La question est de savoir combien d’années la Turquie et l’Arabie Saoudite
maintiendront leur soutien au terrorisme. Telle est la question. Et quand l’Occident fera–t-il
pression sur ces pays pour qu’ils cessent leur soutien au terrorisme.
Journaliste : Monsieur
le président, pouvez-vous me dire quel est votre ennemi principal. Est-ce qu’il
s’agit de l’opposition modérée et de leurs alliés islamistes ou des djihadistes
de Daech ? Beaucoup de gens se posent cette question, parce qu’ils notent
que vos forces actuelles visent surtout des villes tenues par l’opposition dite
modérée et ses alliés islamistes et pas tellement par Daech.
Bachar el-Assad :
Je ne pense pas que le terme « opposition » puisse désigner chez vous
en France comme partout au monde quelqu’un qui porte une arme. L’opposition est
politique par définition. Si nous supposons que vous voulez dire
« terroristes modérés », ce serait bien un nouveau terme. Vous voulez
dire par là qu’ils n’appartiennent pas à Daech, au Front al-Nosra, ni à
d’autres groupes radicaux. Obama a qualifié l’opposition modérée d’illusion. Biden a dit la même chose. Le plus important c’est
qu’en réalité cette opposition n’existe pas. La plupart des hommes armés
appartiennent à ces groupes radicaux, à savoir Daech, al-Nosra, Ahrar el-Cham
et autres. Ma réponse est donc que tout terroriste est un ennemi. Nous
respectons toute opposition politique… et nous avons une opposition politique qui
se trouve en Syrie et adopte des positions dures vis-à-vis de l’État, mais nous
ne l’attaquons pas.
Journaliste : Pour
être très clair, vous ne faites pas de différences entre tous les gens qui
portent des armes contre votre gouvernement, qu’ils se revendiquent de Daech ou
de groupes dits « modérés » vous ne faites aucune différence.
Bachar el-Assad :
Sur le plan légal, il n’y a pas de différence. L’État fera face à toute
personne qui porte les armes, et ne l’interrogera pas sur son idéologie. Il y a quand même une différence, c’est que les
groupes radicaux refusent le dialogue avec l’État. Ils pensent combattre,
mourir et aller au paradis. Telle est leur idéologie. Quant aux autres groupes
non idéologiques, la plupart ont été induit en erreur. Ils sont ultérieurement
entrés en dialogue avec l’État. Certains ont jeté les armes, et il y en a qui
combattent aujourd’hui du côté de l’armée, et nous les avons amnistiés pour
avoir renoncé aux armes.
Journaliste : Monsieur le président, comment
considérez-vous Jayche el-Islam et Ahrar al-Cham ? Ils ont
négocié avec vous, ils ont été à Genève. Vous les considérez comment ?
Bachar el-Assad :
Ils ont été à Genève comme faisant partie de l’opposition formée par l’Arabie
saoudite. Puisque l’Arabie saoudite soutient le terrorisme à l’échelle
mondiale, ses représentants sont naturellement des terroristes et non des
politiciens.
Journaliste : Donc
pas de négociations avec eux…
Bachar el-Assad :
Déjà à Genève 3, nous n’étions pas supposé mener des négociations directes, mais
à travers De Mistura. Là, soyons précis nous ne négocions pas avec des Syriens,
mais avec des représentants de l’Arabie Saoudite, de la France, de la
Grande-Bretagne, etc… Si vous entendiez par là un dialogue syro-syrien la
réponse est naturellement négative. Le dialogue avec ces gens-là n’est
nullement un dialogue syro-syrien. Un tel dialogue se fait avec des groupes
syriens qui ont leurs bases en Syrie, telle l’opposition politique en Syrie par
exemple. Toute personnalité avec laquelle nous dialoguons et qui se dit
d’« opposition » mais qui appartient à un pays étranger ou à des
services de renseignement étrangers ne représente pas les Syriens dans le
dialogue, et tout simplement nous ne la considérons pas comme syrienne.
Journaliste : Quand
vous dites que vous êtes à Genève, vous êtes là pour négocier avec des gens
venus de l’extérieur.
Bachar el-Assad :
Non, certains sont venus de l’intérieur. Il y en a d’autres qui vivent à
l’extérieur, mais qui font de la politique et qui ont des partisans en Syrie. Mais
moi, Je ne parle pas seulement de terroristes, mais de quelqu’un qui a été
conçu et formé à l’étranger et qui travaille au service d’un pays étranger.
Journaliste : Vous parlez d’une opposition
politique, vous disiez qu’elle existe en Syrie. Est-ce
que vous ne pensez pas que si vous aviez toléré l’émergence d’une opposition
politique plus forte dans votre pays ces dernières années. Vous auriez pu
peut-être éviter ce conflit. Est-ce qu’il n’y a pas de part de responsabilité
de votre gouvernement dans ce qui s’est passé ?
Bachar el-Assad :
Nous ne prétendons pas ne pas avoir commis d’erreurs en Syrie, ce qui est
normal dans n’importe quel pays. Nous ne prétendons pas qu’au Proche-Orient
nous sommes arrivés à une grande ouverture politique. En Syrie, nous allions
dans cette direction à vitesse limitée et peut être trop lentement. Pour
revenir à votre question, la partie de l’opposition la plus radicale à
l’intérieur de la Syrie et qui attaque l’État syrien, n’a pas été en prison et
n’a pas été persécutée par l’État, ni avant, ni après la crise. Je ne comprends
donc pas ce que vous entendez par tolérance dans ce cas-là.
Journaliste : Il
a été difficile pour l’opposition syrienne de s’organiser de faire campagne, le
gouvernement ne lui a jamais laissé beaucoup de marge de manœuvre.
Bachar el-Assad :
Vous évoquez une situation générale au Proche-Orient. C’est relativement vrai,
notamment dans le monde arabe. Mais il ne s’agit pas d’une question de
tolérance. La tolérance c’est plus
personnel qu’institutionnel. Il s’agit de savoir que faire sur le plan
institutionnel pour aller en avant, telle est la question. Cela a deux aspects,
l’un juridique, l’autre social ou culturel, la démocratie étant une culture
avant d’être une loi. Vous ne pouvez pas aller légalement parlant en direction
de la démocratie alors que culturellement parlant vous restez à votre place.
Journaliste : Pensez-vous possible une intervention
turque en Syrie, et pensez-vous que la menace des Saoudiens d’intervenir est
sérieuse ?
Bachar el-Assad : Logiquement parlant, je dirais que l’intervention
est impossible, mais la logique est parfois en contradiction avec la réalité,
surtout quand vous avez des personnes illogiques et insensées qui dirigent un
pays. C’est donc une possibilité que je ne peux pas exclure, pour une simple
raison : Erdoğan est quelqu’un d’intolérant, de radical, un soutien des Frère musulmans qui vie le rêve ottoman. Les effondrements [du projet des Frères] qui ont eu lieu en Tunisie, en Libye, en Égypte et en Syrie sont pour lui des effondrements
personnels qui menacent d’abord son avenir politique, mais aussi ses
aspirations islamistes radicales. Il pense être porteur d’un
message de l’islam dans notre région. Il en est de même pour l’Arabie
saoudite ; les effondrements subis par les terroristes en Syrie constituent
un effondrement de leur politique. De
toute manière, une telle opération ne sera pas facile pour eux. Et nous allons
très certainement y faire face.
Journaliste : Monsieur le président est-ce que vous
seriez prêt à donner une région autonome aux kurdes de Syrie après la fin du
conflit ?
Bachar el-Assad : Cela relève directement de la constitution
syrienne. Vous savez bien que la constitution n’est pas le produit du
gouvernement, mais de toutes les composantes du pays et doit être soumis à un
référendum. La question doit donc se posée à l’échelle nationale et non être
adressée à un responsable syrien quel qu’il soit, qu’il s’agisse d’une
autonomie ou d’une confédération, ou même d’une décentralisation… ce sont des
choses qui feront partie d’un dialogue politique. Mais je
voudrais affirmer que les Kurdes font partie du tissu national syrien.
Journaliste : Est-ce
que c’est vrai que la Russie a essayé de vous convaincre de quitter le
pouvoir ? et n’y c’est-à-dire pas un risque d’une entente américano-russe
qui puisse se faire sous votre dos ?
Bachar el-Assad :
C’est possible si l’on considère la politique et les politiciens russes de la
même manière que la politique et les politiciens états-uniens, et qu’ils
suivent une politique aussi contraire aux principes éthiques, mais ce n’est pas
le cas. Pour une raison toute
simple, c’est que les Russes nous traitent avec grand respect. Ils n’agissent
pas envers nous comme une grande puissance envers un petit État, mais comme un
État souverain envers un autre État souverain. C’est la raison pour laquelle
cette question ne s’est jamais posée, et d’aucune manière.
Journaliste : Est-ce
que vous seriez favorable à l’octroi de base permanente à la Russie en Syrie et
également l’Iran ? Dans ce cas, est-ce que vous ne craignez pas que votre
pays se transforme en une espèce de vassal de ces deux puissances ?
Bachar el-Assad :
La présence de bases militaires de n’importe quel État en Syrie ne signifie
nullement que la Syrie en devient le vassal. Ils n’interviennent ni dans la constitution, ni dans
la loi, ni dans l’action politique. Il existe déjà une base russe.
Mais les Iraniens ne nous l’ont pas demandé, et nous n’avons pas là-dessus un
problème de principe.
Journaliste : Est-ce
que la Russie vous a demandé d’installer une nouvelle base en Syrie ?
Bachar el-Assad :
La question n’a pas été posée. Elle est donc hypothétique. Mais comme je viens
de le dire, lorsque nous l’acceptons pour la Russie, cela veut dire que c’est
en principe acceptable. Mais cela dépendrait aussi des potentiels de chaque
État et de son rôle sur la scène régionale et internationale.
Journaliste : Est-ce
que la Russie vous a demandé de faire de nouvelles bases en Syrie ?
Bachar el-Assad : Non.
Journaliste : Comme vous le savez la campagne
présidentielle américaine est actuellement en pleine primaire. Vous
personnellement vous êtes pro Trump ou Hillary Clinton ou vous avez peut-être
un candidat qui vous semblerez peut être un bon candidat pour la région ?
Bachar el-Assad : À aucun moment nous n’avons misé sur un président
états-unien. Nous misons toujours sur les politiques, or ces politiques ne
dépendent pas seulement du président, mais de l’ensemble des institutions et
des lobbys aux États-Unis. La concurrence entre beaucoup de candidats,
maintenant comme dans le passé, porte sur lequel est le plus belligérant. C’est
de mauvais augures.
Journaliste : Donc lequel est le plus belligérant
Trump ou Clinton ?
Bachar el-Assad : Le problème avec les hommes politiques
états-uniens c’est qu’ils disent toujours le contraire de ce qu’ils font, avant
et après les élections.
Journaliste : Donc
les promesses faites par Trump ne vous font pas peur, s’il venait d’être
élu ?
Bachar el-Assad :
Non. Comme je viens de le dire, puisque je ne mise pas sur ce que déclare les
candidats états-uniens, je ne vois pas de raison pour commenter les propos de
l’un d’entre eux. C’est-à-dire qu’ils se ressemblent tous à mes yeux.
Journaliste : Est-ce
que vous envisagez d’être président à vie, comme l’était votre père, sinon
est-ce que vous préparez un successeur, et est-ce que ça peut être un de vos
enfants ?
Bachar el-Assad : D’abord la présidence n’est pas un hobby qui
nous fait plaisir. C’est plutôt une responsabilité notamment dans les
circonstances actuelles. Quant à la question de savoir s’il y a quelqu’un que
je choisirais comme successeur, le pays n’est ni une ferme ni une entreprise.
Pour rester président, il faudrait qu’il y ait deux facteurs : que je le
souhaite moi-même, et que le peuple le souhaite aussi. Si
j’arrive aux prochaines élections et que je constate que le peuple ne veut pas
de moi, je ne me porterai pas candidat. Il est donc encore tôt d’en parler. Il nous reste
encore plusieurs années avant les prochaines élections.
Journaliste : Ces dernières années il y a eu
plusieurs accusations portées contre votre gouvernement en matière de droits de
l’homme. Tout récemment une commission de l’enquête de l’Onu vous a accusé de
pratiquer ce qu’ils ont appelé une « politique d’extermination des
détenus » parlant d’un « crime contre l’humanité ». Le mois
dernier, le haut-commissaire de l’Onu pour les des droits de l’homme, évoquant
des sièges de villes comme Madaya, a accusé votre gouvernement de « crime
de guerre ». Il y a aussi le recours au bombardement de la population
civile par des barils explosifs. Ne craignez-vous pas de devoir un jour rendre
des comptes devant un tribunal international ?
Bachar el-Assad :
Vous savez d’abord que ces institutions onusiennes reflètent l’équilibre et les
conflits entre les grandes puissances. Actuellement, elles sont essentiellement dominées par
les puissances occidentales et la plupart de leurs rapports sont politisés et
servent un agenda politique. La preuve en est que ces organisations n’ont rien
dit sur des massacres commis par les groupes terroristes à l’encontre des
citoyens innocents en Syrie. Ce qui réfute les dires ou les rapports de ces
organisations, c’est d’abord qu’ils n’avancent pas de preuves, et c’est un cas
général. Il y a d’autre part une objection logique, car si les pays occidentaux
s’opposent à une personne, ainsi que les pays riches du Golfe, et si cette même
personne tue son peuple, comment pourrait–elle continuer à exercer le pouvoir
dans ces conditions pendant cinq années ? C’est pourquoi, je ne crains ni
ces menaces ni ces allégations.
Journaliste : Comme vous dites il n’y a pas de
preuves, c’est-à-dire ces rapports sont faux et inexacts, mais il y a tout de
même des témoignages, par exemples le rapport sur la morts des détenus qui sont
dans vos prisons.
Bachar el-Assad : Non, il y a une différence entre crimes
individuels et politique de tuerie systématiquement validée par un État. J’ai
déjà dit qu’il y a des victimes innocentes de la guerre, c’est vrai. Mais il y
a crimes de guerre lorsque des ordres sont donnés pour adopter une politique
qui consiste à commettre des massacres pour des fins précis. Si c’était le cas,
les gens auraient fui les régions contrôlées par l’État pour se réfugier dans
celles qui sont contrôlées par les hommes armés. Mais ce qui se passe c’est tout
à fait le contraire. Tout le monde vient vers les régions contrôlées par
l’État.
Journaliste : Comment
pensez-vous rentrer dans l’histoire, comme un sauveur de la Syrie ou l’homme
qui l’a détruite ?
Bachar el-Assad :
Tout dépend de celui qui écrira l’histoire. Si c’est l’Occident, il
m’attribuera les pires qualificatifs. L’important, c’est ce que je pense
moi-même. Il va de soi que je cherche à défendre la Syrie, et c’est bien ce que
je fais, et non à défendre mon siège.
Journaliste : Voulez-vous
encore négocier avec l’opposition ou bien pensez-vous être capable d’écraser
militairement la rebellion ?
Bachar el-Assad :
Nous croyons totalement aux négociations et à l’action politique, et ce depuis
le début de la crise. Cependant négocier ne signifie pas qu’on arrête de
combattre le terrorisme. Deux
volets sont indispensables en Syrie : premièrement, négocier, et
deuxièmement, frapper les terroristes. Le premier volet est indépendant du
second.
Journaliste : Quel
est votre commentaire sur la démission de Laurent Fabius ? Pensez-vous que
cela changera la politique de la France à votre égard ? Est-il possible de
faire un geste à l’égard de Paris, par exemple sur la lutte contre le
terrorisme pour essayer de convaincre la France de changer d’attitude à votre
égard ?
Bachar el-Assad :
Le changement de personnalités n’est pas vraiment d’une grande importance,
c’est plutôt le changement de politique qui compte. L’administration française a presque totalement changé
avec Sarkozy et Hollande. Mais pour nous, les politiques n’ont pas
changé. Elles ont demeuré, des politiques de sabotage dans la région,
directement à l’appui du terrorisme. Nous ne devons donc pas supposer que c’est
le ministre des Affaires étrangères qui est l’artisan de cette politique. C’est plutôt l’État dans son ensemble, et notamment le
président de la République qui les conçoit. Pour ce qui est de la Syrie, je
ne pense pas qu’elle doit faire un geste envers la France. C’est plutôt à la
France d’agir pour combattre le terrorisme. Jusqu’à présent elle soutient politiquement les
terroristes, et même les soutenait militairement dans certains cas. Il
incombe à présent à la France d’adopter des politiques contraires, ou de
changer de politiques pour combattre le terrorisme. Surtout que des centaines
de Français ont payé de leurs vies ces politiques erronées.
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