L’histoire en marche : la Chine et la Russie font, de
leurs ennemis, des amis
Par Federico Pieraccini – Le
18 octobre 2017 – Source Strategic Culture
Dans les articles précédents, les
moyens militaires et économiques par
lesquels les États-Unis visaient initialement l’hégémonie mondiale ont été
analysés, en détaillant comment ils sont devenus la superpuissance (déclinante)
qu’elle est aujourd’hui.
Dans les deux analyses, j’ai souligné pourquoi la
menace de la puissance militaire américaine n’est plus crédible et comment les
sanctions et le comportement brutal des géants multinationaux et des
organismes internationaux (FMI, Banque mondiale, BRI, etc.) ont cessé d’être
efficaces.
Cela a mis les États-Unis de plus en plus hors sujet,
laissant dans le processus un vide à combler par les puissances émergentes
comme la Chine et la Russie, qui introduisent effectivement un nouvel ordre
mondial basé sur la multipolarité. Dans cette troisième et dernière partie de
la série, je vais analyser les événements spécifiques qui montrent comment la
combinaison militaire, économique et diplomatique entre l’Iran, la Russie et la
Chine ont forgé, par des moyens connus et moins connus, un ordre mondial
alternatif à l’Amérique unipolaire.
La Russie, la Chine et l’Iran
ont profité ces dernières années de la puissance militaire et économique déclinante
des États-Unis, poussés par une méfiance générale envers les capacités
diplomatiques et politiques de Washington, à la fois avec Obama et maintenant
avec Trump. Les deux articles précédents montraient que Moscou, Pékin et
Téhéran, même s’ils faisaient face à des situations différentes, partageaient
des intérêts similaires et coordonnaient leurs stratégies militaire, économique
et diplomatique.
Le succès du triptyque
euro-asiatique repose sur le principe essentiel de la transformation des
ennemis en acteurs neutres, des acteurs neutres en alliés et de l’amélioration
des relations avec les anciennes nations alliées. Pour que ce projet puisse se
réaliser, les efforts économiques, militaires et diplomatiques sont déployés
selon le pays et le contexte régional. La flexibilité dont Moscou et Pékin ont
fait preuve dans les négociations a donné lieu à des accords historiques, non
seulement dans le secteur de l’énergie, mais aussi dans le domaine militaire,
ainsi que dans l’éducation et la réduction de la pauvreté.
L’Arabie saoudite, la Turquie
et la Syrie sont trois pays qui, analysés individuellement, révèlent cette
stratégie précise de la Russie, de la Chine et de l’Iran. Une
attention particulière est concentrée sur le Moyen-Orient pour plusieurs
raisons. C’est la région où la puissance militaire déclinante de l’Amérique,
incapable d’atteindre ses objectifs géopolitiques en Syrie, révèle la
perte progressive de l’influence économique de Washington, accentuée par la
position de plus en plus précaire du pétrodollar, qui est sur le point d’être
défié par les échanges en pétroyuan entre la Chine et l’Arabie
saoudite.
Des ennemis aux neutres
La défaite militaire des
ennemis de la Syrie est, pour l’essentiel, due à l’Armée arabe syrienne (AAS),
à l’Iran (plus le Hezbollah) et à la coopération militaire de la Russie, ainsi
qu’au soutien diplomatique et économique de Pékin. Grâce à la stratégie adoptée
par Poutine en Syrie, la Russie a pu stopper le projet engagé par les
États-Unis, l’Arabie saoudite, la Turquie, le Qatar, la France, le
Royaume-Uni, la Jordanie et Israël pour démanteler la Syrie. La Fédération de
Russie est entrée progressivement dans le conflit syrien, et les résultats
militaires ont immédiatement favorisé l’axe de la résistance, l’armée américaine
étant incapable d’intervenir directement pour changer le cours des événements.
Les conséquences de ce choix
ont conduit les alliés historiques de la région à douter de l’engagement réel
de Washington et de la capacité militaire américaine à intervenir dans un
conflit au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA) et à changer le cours du
conflit en faveur de Riyad, de Doha, d’Ankara ou de Tel Aviv. La nouvelle
administration Trump s’est montrée incapable de répondre aux attentes des plans
hégémoniques régionaux saoudiens, même si le Royaume a accepté d’acheter
jusqu’à 110 milliards de dollars d’armes américaines et s’est engagé à investir
davantage aux États-Unis.
Riyad est dans une position
encore plus difficile qu’on ne le pense habituellement. Il doit supporter seul
le poids du pétrodollar, qui est de plus en plus instable grâce à la volonté
chinoise d’imposer le paiement en yuans et non en dollars. De plus, Riyad
voit peu de bénéfices tangibles dans le soutien militaire des États-Unis à ses
politiques anti-iraniennes agressives, même si Trump a affiché des idées
différentes de celles d’Obama concernant l’accord sur l’Iran. L’Arabie saoudite
a un intérêt commun avec Israël dans la région et tous deux manifestent
une colère partagée devant l’efficacité décroissante de
Washington dans la région.
Du point de vue saoudien,
tout s’est dégradé en une période relativement courte. La défaite en Syrie a
coïncidé avec l’accord sur le nucléaire (Plan d’action global commun – JCPOA)
entre l’Iran et les pays du 5 + 1. Dans ces deux scénarios, Riyad
ressent la profonde trahison par son ancien allié nord-américain. La pression
économique chinoise sur Riyad pour qu’il accepte les paiements en yuans pour
son pétrole, jointe à la capacité croissante de Moscou d’intervenir
efficacement dans la région et au rôle diplomatique et politique renouvelé
de l’Iran grâce à l’accord JCPOA, ont engagé Riyad sur une voie menant
certainement à la destruction. La seule solution est un changement stratégique
qui pourrait affecter la région de manière significative.
La visite du roi saoudien
Salman à Moscou pour signer des accords commerciaux (un fonds d’investissement
de plus de 1 milliard de dollars a été créé) était d’une importance symbolique.
Les actions du roi, menées en personne, reflétaient la reconnaissance du
nouveau rôle dominant de la Russie au Moyen-Orient à la suite des intentions
américaines d’abandonner leur influence dans la région. La nécessité pour le
roi saoudien de paraître personnellement à Moscou concerne également directement
la succession au trône, avec Mohammed bin Salman pour hériter des clés du
royaume, malgré les désastres au Yémen et la crise du Conseil de coopération du
Golfe (CCG) provoquée par le choc avec le Qatar. Dans une situation d’extrême
faiblesse, notamment avec des prix du pétrole très bas, la monarchie
saoudienne n’a plus que quelques cartes à jouer et doit engager un dialogue
avec Moscou et éventuellement entamer une coopération dans divers domaines liés
à l’énergie et à l’investissement. Initialement, l’excuse
principale pour la rencontre de Moscou entre Poutine et le roi saoudien était
de coordonner la production et la vente de pétrole et de gaz, une nécessité
pour les deux pays étant donné la chute des prix du pétrole au cours des 24
derniers mois. Le premier objectif atteint par Poutine et le roi saoudien
semble être une envolée du prix du pétrole à un niveau acceptable, suite à
l’échec de la stratégie de Washington et de Riyad visant à ruiner Moscou en
faisant chuter les prix.
En outre, la réunion entre
Poutine et le roi saoudien s’est concentrée sur l’acceptation de la défaite de
Riyad en Syrie, reconnaissant Assad comme le seul dirigeant légitime de la
République arabe syrienne.
Beaucoup de choses se
développent en coulisses, ce qui est évident avec la reconnaissance par Riyad
d’une solution politique comme seul moyen de mettre fin au conflit, mais
cela n’est jamais mentionné par les représentants officiels saoudiens. Il
sera très difficile pour ces derniers d’abandonner le projet de changement
de régime, même si la pression politique, diplomatique, militaire et économique
de la Chine et de la Russie augmentent. Une foi commune habite Riyad et
Tel-Aviv, comme le montrent les deux tentatives répétées de persuader Poutine
d’abandonner son amitié avec l’Iran et Assad, mais sans succès. La fidélité
manifestée par Moscou à Téhéran et à Damas a également eu un effet positif sur
les Saoudiens, qui doivent reconnaître que si Poutine peut avoir des points de
vue différents sur certaines questions, il est un homme de parole.
Contrairement aux États-Unis, où les nouvelles administrations peuvent parfois
jeter leurs amis sous les roues de l’autobus, Poutine maintient ses
promesses, même sous une pression extrême. En ce sens, la décision de Trump de
dé-certifier l’accord avec l’Iran est une démonstration de bonne
volonté de la nouvelle administration Trump envers Israël
et l’Arabie saoudite.
Cette dernière se retrouve
avec des réserves monétaires très faibles en raison de la baisse du prix du
pétrole et de son implication dans plusieurs guerres. Il faut ajouter à cela
une défaite militaire en Syrie et une débâcle encore plus grande au Yémen. Pour
couronner le tout, les États-Unis, leur allié le plus précieux, se
désintéressent de plus en plus du sort de la monarchie et du royaume saoudiens,
grâce à l’indépendance énergétique croissante résultant de la fracturation
hydraulique. Ajoutons à cela le Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui
s’est divisé à la suite de la guerre économique contre le Qatar,
montrant un autre exemple de Washington ne soutenant pas Riyad dans toute
la mesure où la monarchie en Arabie saoudite l’espérait. Le
raisonnement pour Riyad est aussi simple que possible. Si Washington n’est pas
en mesure de soutenir militairement l’Arabie saoudite, mais que Riyad doit
supporter le fardeau économique, alors le royaume est dans une situation
extrêmement difficile et a besoin d’alternatives comme la Russie et la Chine.
Il est impensable pour l’Arabie saoudite de continuer à soutenir l’hégémonie
des pétrodollars alors que l’Iran devient un leader régional au Moyen-Orient.
Le meilleur moyen est de
négocier avec les principaux acteurs, et la Russie apparaît comme le médiateur
parfait, comme annoncé récemment. La Chine attend que tous ces
différends soient réglés pour mettre à profit son pouvoir économique et
reléguer définitivement dans le passé les quarante dernières années de chaos
dans la région issues de la rivalité saoudo-iranienne.
Pour Riyad, même si la
tentative de séparer la Russie et l’Iran échouait, cela créerait néanmoins
des relations qui enverraient un signal clair à l’Occident. L’achat de systèmes
anti-missiles S-400 est une démonstration éclatante de l’influence russe
croissante au Moyen-Orient, et Riyad a peut-être une crainte compréhensible de
représailles américaines dans le cas où elle commencerait à changer ses
habitudes en vendant son pétrole en yuan plutôt qu’en dollars.
Moscou a réalisé un miracle
diplomatique avec l’Arabie saoudite, grâce aux efforts militaires en Syrie, à
la pression économique chinoise par l’émission de petroyuans et au succès
diplomatique iranien, notamment grâce à l’accord sur l’énergie nucléaire qui a
permis de réhabiliter Téhéran sur la scène politique internationale.
L’achat de systèmes d’armes
russes avancés envoie un signal clair et indique que le royaume saoudien est
prêt à assumer une position plus neutre en frappant à la porte du monde
multipolaire, en reconnaissant le pouvoir économique chinois et la
prédominance militaro-technologique de la Fédération de Russie.
Des neutres aux amis
En se transformant en un pays
plus neutre, Riyad pourrait tenter d’équilibrer l’influence économique et
militaire américaine par le soutien de la Russie et de la Chine. L’importance
pour la Russie et la Chine d’avoir un pays neutre doté d’une grande capacité
financière dans la région devrait également être notée. Dans le cas de la
Turquie, l’intervention de la Russie en Syrie, associée aux aspirations turques
à devenir un centre énergétique euro-asiatique, a progressivement rapproché Moscou
et Ankara. Grâce à un travail diplomatique efficace après la destruction
d’un avion russe par la Turquie, les relations se sont progressivement
améliorées, parallèlement au succès opérationnel de l’armée syrienne et de
l’armée de l’air russe contre les terroristes soutenus par la Turquie. La
défaite militaire de la Turquie était déjà claire il y a douze mois. Au cours
des trois ou quatre derniers mois, Erdogan semble avoir changé de priorités, se
concentrant sur la question kurde et sur les relations croissantes avec le
Qatar (le mouvement politique des Frères musulmans est essentiel dans les deux
pays et dans leurs relations). Entre-temps, la Turquie se distancie de ses
alliés de l’OTAN, gravitant de plus en plus dans l’orbite de « l’axe
de résistance » que sont l’Iran, l’Irak et la Syrie.
Les pourparlers de paix syriens
à Astana ont jeté les bases diplomatiques des efforts de Téhéran et Moscou
pour persuader Ankara d’abandonner l’option militaire (même si cela était déjà
prévisible une fois que la Russie avait décidé d’intervenir). Au lieu de cela,
Ankara serait encouragé à s’engager dans d’importants accords énergétiques
avec Moscou. Il semble qu’Ankara ait maintenant décidé de devenir un
centre énergétique, transportant du gaz, par le Turkish Stream, de
la Russie vers l’Europe ainsi que du gaz du Qatar et de l’Iran. Il semble même
que la Chine ait l’intention de se connecter aux installations turques pour
l’approvisionnement en gaz et en pétrole, renforçant ainsi le rôle central
d’Ankara comme plate-forme de transit énergétique pour la région.
L’autre aspect qui a fermement
convaincu Erdogan de céder aux inquiétudes syriennes est la question kurde. Les
Forces démocratiques syriennes (FDS), composées principalement de combattants
kurdes, opèrent en Syrie sous le commandement et au nom de la coalition
internationale dirigée par les États-Unis. Ankara a qualifié les Kurdes du SDF
d’extension armée du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), ce dernier est
considéré comme un groupe terroriste en Turquie. Cette divergence entre
Washington et Ankara n’a cessé de croître, même pendant l’administration Trump,
contrairement aux prévisions faites durant la période électorale américaine.
Avec l’utilisation progressive
du SDF en Syrie, par la coalition internationale dirigée par les États-Unis,
les stratégies de Trump et Erdogan ont fini par se télescoper. Trump a besoin
de donner à son public domestique l’impression que les États-Unis sont dévoués
à la lutte contre l’État islamique, même si cela signifie qu’il faut compter
sur les soldats kurdes, rompant ainsi les relations avec la Turquie. Erdogan
considère cela comme une question de sécurité nationale. La situation a
dégénéré au point où, il y a quelques jours, un différend diplomatique a
conduit à la suspension de la délivrance de visas par les ambassades
respectives à Ankara et à Washington. Erdogan considère l’aide américaine aux
Kurdes comme une trahison de la pire espèce de la part d’un allié de l’OTAN.
Une réaction naturelle contre ces actions des États-Unis a donc été
l’accord entre l’Irak, l’Iran, la Syrie et la Turquie pour préserver
l’intégrité territoriale face à la question kurde.
La bénédiction des Chinois
et des Russes est évidente dans cette situation. Afin de pacifier la région, la
reconstruire et l’intégrer dans le projet One Belt One Road (la
route de la soie maritime et le corridor de transport Nord-Sud) les
guerres doivent cesser et la diplomatie doit prévaloir. Pour Ankara, c’est une
occasion unique de sortir de la guerre en Syrie sans apparaître comme l’une des
factions vaincues (d’où la participation turque aux pourparlers d’Astana avec
la Russie et l’Iran). Dans le même temps, la Turquie
souligne l’importance de sa position géographique en tant que centre de
distribution d’énergie sur le supercontinent eurasien. Tout cela se fait au détriment
des États-Unis, la Turquie se libérant de la pression de Washington.
Moscou a déjà levé toutes les
sanctions contre la Turquie, et vice versa, augmentant considérablement le
commerce avec des perspectives de croissance considérables dans les années à
venir. En ce qui concerne les ventes d’armes à l’Arabie saoudite, l’influence
russe est en pleine expansion, grâce aux systèmes S-400 en cours de vente à
Ankara au milieu des protestations véhémentes de nombreux pays de l’OTAN.
Le système S-400 est un effort supplémentaire pour décourager l’agression
américaine, mais c’est aussi la première indication de la volonté de
diversification d’Ankara, cette fois militairement, constituant un pilier du
nouvel ordre mondial multipolaire.
Ankara, après de nombreux échecs
diplomatiques et militaires, a rétabli son rôle dans la région aux côtés de
l’Iran et du Qatar, dans un contexte où son partenariat avec Moscou et Pékin va
garantir à Erdogan une marge de manœuvre pour se désengager progressivement du
système de l’OTAN qui a causé tant de problèmes au pays. Une entrée future dans
l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) pourrait sceller le passage
d’Ankara dans le monde multipolaire, devenant ainsi un allié à part entière de
Moscou et de Pékin. En attendant, il est déjà possible de dire que Moscou et
ses alliés ont réussi dans leur tâche improbable de transformer une nation, la
Turquie, qui était sur le point de s’impliquer directement dans l’effort pour
abattre Assad, en l’un des plus importants garants de l’intégrité territoriale
de la Syrie. Erdogan a accepté qu’Assad reste au pouvoir dans un avenir proche,
et a même accepté d’aider à combattre les terroristes en Syrie, comme en
témoignent les récentes opérations militaires turques à Idlib.
La profondeur de la sincérité
de ces nouvelles amitiés entre Moscou, Riyad et Ankara demande encore à être
testée. Erdogan et les monarques saoudiens sont réputés pour ne pas tenir
leur parole. Dans son état actuel, cela semble être un chef-d’œuvre économique,
politique et militaire de la triade iranienne, russe et chinoise. La guerre en
Syrie est presque gagnée, les groupes terroristes soutenus par les
Saoudiens et les Turcs ont été neutralisés, et les conditions d’une intégration
économique et militaire eurasienne complète de Riyad et Ankara ont été
établies.
Soutenir les amis dans le besoin
En fin de compte, il
convient de souligner la contribution de la Russie, de la Chine et de l’Iran au
gouvernement et au peuple syriens. Au cours des six années d’agression contre
la République arabe syrienne, l’Iran n’a jamais manqué de contribuer en termes
de main-d’œuvre, d’équipement et de soutien logistique dans la lutte contre le
terrorisme. Moscou, au début du conflit,
avant même d’intervenir directement, a pris des mesures pour régler la dette
extérieure syrienne envers la Russie et a prêté de l’argent en fournissant des
armes, de l’énergie et de la logistique pour contribuer activement à la défaite
des terroristes.
La République populaire de
Chine a déjà ouvert la voie à l’avenir de la Syrie sur le plan économique,
déclarant que le pays est une route de transit importante et une destination
finale d’une partie de la Route de la soie. Le pouvoir économique chinois
permettra à Damas de reconstruire une nation dévastée par six années de
terrorisme et d’agression étrangère. Avec les capacités militaires russes,
Damas disposera de tous les moyens nécessaires pour mettre fin au conflit et
stabiliser le pays, se donnant ainsi les moyens d’empêcher toute future
agression occidentale. D’un point de vue politique et diplomatique, les actions
conjointes de Téhéran, Pékin et Moscou, avec Damas, font partie intégrante de
l’axe qui s’étend de l’Iran à l’Irak et à la Syrie et arrive en Méditerranée,
voire en Turquie. Avec la combinaison d’éléments économiques, militaires et
politiques, la Syrie a survécu à une agression presque sans précédent,
émergeant comme victorieuse, assurant ainsi sa capacité à déterminer son avenir
de manière autonome sans intervention externe hostile.
Conclusions générales
La voie tracée par Moscou,
Pékin et Téhéran devrait stabiliser le Moyen-Orient, grâce à la résolution du
conflit syrien. Certains éléments clés de ce changement global, dont nous
sommes témoins, sont : la pression économique chinoise sur les Saoudiens
pour qu’ils acceptent le paiement du pétrole en yuan, l’éradication du
terrorisme en Irak et dans les pays voisins, le contournement des sanctions
imposées à l’Iran par les États-Unis et leurs alliés, la mutation de la Turquie
en plate-forme régionale de distribution d’énergie
La Chine intervient
économiquement dans un certain nombre de régions, en particulier au
Moyen-Orient, pour soutenir la puissance militaire russe par l’argent, la
diplomatie, l’investissement économique (Route de la soie) et en fournissant des
liquidités aux alliés, comme on l’a vu avec la Russie quand elle a été
frappée par des sanctions occidentales. Pour Pékin, le déclin du terrorisme est
un facteur clé pour favoriser le développement de l’infrastructure de la Route
de la soie en Chine, permettant à la Chine d’investir dans des zones détruites
au Moyen-Orient pour faciliter les plans de reconstruction. À l’heure actuelle,
la Syrie, l’Égypte, la Libye et le Pakistan semblent avoir une grande
importance pour les stratégies futures de la Chine.
La Russie et la Chine dirigent
des organisations telles que les BRICS, l’UEE, l’OCS et l’AIIB. La grande
stratégie consiste à soutenir la création d’une alternative à l’ordre mondial
néolibéral fondé sur le dollar américain et à contenir les effets du déclin de
l’empire américain. Les nations auront de plus en plus à choisir entre deux
systèmes : l’ordre mondial multipolaire, basé sur l’amitié et la
coopération gagnant-gagnant, ou l’ordre unipolaire, basé sur la puissance
militaire et économique déclinante de l’Amérique.
Le robuste soutien
économique chinois, ainsi que la puissance militaire russe et l’importance de
l’Iran au Moyen-Orient, protègent avec succès des pays comme la Syrie des
interventions militaires américaines, creusant un fossé entre de vieux alliés
américains et ouvrant la voie à l’isolement économique et militaire inéluctable
de Washington dans la région. Ainsi, des pays confrontés à la même pression
américaine, comme la Corée du Sud, le Mexique et le Venezuela, vont de plus en
plus se tourner vers le monde multipolaire dirigé par la Russie et la
Chine, accélérant le déclin et l’influence des États-Unis au-delà du
Moyen-Orient.
L’ordre mondial multipolaire
est là pour rester. Les États-Unis ne sont plus la seule superpuissance, mais
plutôt l’une des deux autres puissances nucléaires. Au plus tôt les
États-Unis s’en rendront compte, mieux ce sera pour l’humanité et pour la paix
dans le monde.
Federico Pieraccini
Traduit par jj, relu par
Catherine pour le Saker Francophone
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